Quest to learn (ou l’apprentissage de demain ?)
C’est le nom d’une école publique de New York financée en partie par la fondation Bill et Melina Gates. Cette école entame sa deuxième année avec 145 élèves répartis sur deux niveaux équivalents aux classes de 6e et 5e. Ce sont donc des élèves de 11 et 12 ans qui naviguent, selon le site internet de l’école, dans « un espace privilégié de pratiques aux nouvelles connaissances médiatiques qui sont multimodales et multiculturelles ».
Karine Salen, créatrice de jeux vidéo, a eu l’idée de créer un espace numérique combinant ordinateurs, caméras vidéo, environnement 3 D, réseaux sociaux, etc., et de l’utiliser à des fins éducatives, partant du principe que ces outils « faisaient partie intégrante de la vie quotidienne des enfants et donc que l’on devait les utiliser en outils d’apprentissage ». Elle dirige par ailleurs l’Institute of Play, organisme de recherche qui travaille sur les liens entre jeux et apprentissage. Avec Robert Torres, spécialiste de l’apprentissage, Karine Salen explore la combinaison du champ du numérique et des pratiques ludiques dans la pédagogie. Les élèves de Quest to Learn utilisent le Small Lab (laboratoire d’apprentissage en situation par l’art multimédia) développé par une équipe de l’université de l’Etat de l’Arizona. Ils travaillent grâce à l’environnement 3D dans un « espace hybride entre réel et virtuel », utilisent des vidéos qu’ils ont eux-mêmes réalisées, enregistrent des podcasts, écrivent des blogs, participent à des réseaux sociaux, jouent et créent des jeux pédagogiques.
Certes il s’agit d’une expérience élitiste et très limitée, mais on peut d’ores et déjà apercevoir des effets positifs sur l’apprentissage : avec ces nouveaux outils, les élèves peuvent développer leur concentration et leur patience. Ils se challengent mutuellement en cherchant à résoudre les problèmes posés par les jeux de leurs camarades. Ils se heurtent à leurs difficultés et découvrent les vertus de la pédagogie de l’échec, qui les conduit à chercher de nouvelles solutions.
Ils améliorent leur capacité à raisonner logiquement, pratiquent le tâtonnement puis le raisonnement intuitif. Ntiedo Etuk, concepteur de jeux informatiques, a analysé le comportement des enfants qui « jouent » avec persévérance. Il affirme que « les enfants jouent cinq minutes et perdent puis ils jouent dix minutes de plus et perdent à nouveau. Ils y retournent et peuvent essayer une centaine de fois. Ils continueront jusqu'à ce qu’ils gagnent». L’échec dans un environnement scolaire est déprimant. L’échec dans un environnement ludique est stimulant.
Le réseau social Being Me, spécialement créé à cette fin par Karine Salen leur permet de partager les informations, la recherche de solutions et d’échanger leurs données. D’après Birchfield, des enfants en difficulté dans la compréhension des sciences naturelles qui ont utilisé le Small Lab ont vu leurs notes grimper significativement. Ces outils pédagogiques améliorent la perception des objets dans l’espace et l’intelligence visu spatiale, indispensables si l’on veut, par exemple, devenir ingénieur. A travers ces exemples, on mesure aisément les vertus pédagogiques de l’utilisation dès le collège de ces nouveaux outils d’apprentissage. Ils développent la confiance en soi, la persévérance, la concentration, la vision spatio-temporelle, l’intuition, la logique et le travail collaboratif en ligne.
On en mesure aussi les risques, celui de ne plus savoir faire la différence entre le virtuel et le réel et n’avoir de contact avec le monde qu’à travers une permanente médiatisation. Ces outils sont uniques pour développer l’homme cognitif que nous sommes en train de devenir et qui doit rester associé à l’homme relationnel, vivant, porteur d’humanité et de responsabilité.
C’est au professeur comme au formateur qu’il appartient, dans son rôle de facilitateur et d’animateur de cet apprentissage multilatéral, de rappeler que la vie n’est pas qu’un jeu mais qu’elle est également faite comme le disait Churchill de souffrances et de larmes.