Universités populaires et savoir opérationnel
J’ai déjà évoqué, dans ce blog, le succès de l’Université de Tous Les Savoirs (UTLS), lancée il y a dix ans par le professeur de philosophie Yves Michaud. Chaque semaine, 500 à 600 personnes assistent à une conférence sur des thèmes aussi variés que : « Qu’est-ce que la vie ? », par le prix Nobel François Jacob, ou « La Chine peut-elle s’ouvrir au monde ? », par Jean-Louis Domenach. Cette forme d’université peut être qualifiée de populaire ; elle se répand un peu partout en France et dans d’autre pays tels que, par exemple, le Brésil, la Chine ou la Hongrie. Denis Rambaud, le président de l’Association des universités populaires, estime que cet engouement trouve son origine dans la recherche personnelle de sens que nos contemporains veulent donner à leurs actions : « Autrefois, dit-il, la religion ou les syndicats structuraient la société. De nos jours, chacun tente de se construire sa propre vision du monde, de façon individuelle. Ce type d’initiative répond bien à ce besoin ». Ce qui apparaît extraordinaire et nouveau dans cette société du savoir et de l’information, l’enthousiasme pour les universités populaires en témoigne, c’est le lien structurant entre l’acquisition de savoir et son utilisation. L’homme se construit à travers un processus complexe au sein duquel les opérations indissociables d’acquisition, de compréhension et d’usage de la connaissance structurent sa conduite et ses performances. Il s’agit d’un nouveau défi qui ne cesse d’imprégner notre culture contemporaine et paraît quelque fois déstabilisant. En effet, cette recherche permanente de mise en liaison du théorique et du pratique dans l’acquisition des connaissances illustre les exigences d’une époque qui valorise le caractère opérationnel du savoir. Par caractère opérationnel, il faut entendre une fonction d’utilité au sens large et non une simple application pratique des connaissances acquises. En ce sens, les universités populaires jouent un rôle essentiel car elles fournissent aux différents publics des centres d’intérêt et des voies d’orientation qui inscrivent la connaissance dans la vie réelle de nos contemporains. Mais les champs à transmettre sont immenses et le public très divers, ce qui rend l’exercice difficile pour ces universités populaires. Il s’agit d’inventer de nouvelles formes de partage et de médiation, comme l’explique Anne Hervé-Minvielle, directrice de la culture et organisatrice de « Sciences à cœur » à l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC). Denis Rambaud estime également que « la conférence traditionnelle n’est peut-être pas le meilleur outil. Nous devons utiliser les moyens pédagogiques d’aujourd’hui ». Les opérateurs de formation, conscients de ce fantastique challenge, investissent dans la création des nouveaux outils que sont le e-learning, la visioconférence, les classes virtuelles, les bases de données interactives, les serious games ; ils les associent à de nouvelles pratiques pédagogiques où l’individu devient acteur de son propre apprentissage. Défi plus qu’honorable pour les acteurs de diffusion et d’appropriation du savoir opérationnel que nous sommes.