interfaces entre les mondes du savoir et les individus en situation professionnelle

Fri Dec 04 2009 11:23:05 GMT+0100 (Romance Standard Time), Jean Wemaëre

Notre métier consiste à gérer, mais aussi à concevoir, des interfaces entre les mondes du savoir et les individus en situation professionnelle ; cela afin d’améliorer en permanence leurs compétences et leur discernement.
L’efficacité et la fécondité des interfaces, que nous proposons aux femmes et aux hommes en situation de formation, dépendent de l’organisation et de la mise en mémoire du savoir. Vaste question qui touche à son caractère accessible, à sa compréhension et à son assimilation. Il s’agit de faire face à un triple défi.

  1. Le stockage du savoir dans des mémoires numériques qui vont de loin dépasser la mémoire neuronale des acteurs individuels et collectifs.
  2. La circulation accélérée de l’information, via les nouvelles technologies, qui nécessite des processus sophistiqués de tri et d’orientation.
  3. Le partage des connaissances qui suppose l’existence et le développement de communautés dont les intérêts et les modes de coopération se diversifient. Pour qu’un tel défi puisse être relevé, il importe de disposer de langages et de repères culturels qui permettent la diffusion des savoirs dans un processus de création de valeur.
    Dès lors, notre intelligence ou notre capacité à comprendre et à interpréter les savoirs doit se concevoir et se manifester de manière collective. Je sais gré au professeur Pierre Levy, titulaire d’une chaire de recherche en intelligence collective à l’université d’Ottawa, d’avoir su mettre en évidence la richesse et la nécessité d’une telle réalité. Mais avant d’évoquer les gains et bénéfices d’une construction collective de la connaissance, il nous faut revenir aux conditions qui favorisent la compréhension et le partage des connaissances.
    Pour améliorer la productivité d’une économie du savoir, d’un « système cognitif global » porté par les nouvelles technologies, il devient urgent de structurer un langage commun afin d’optimiser le travail de recherche sur tous les thèmes envisageables, jusque là exprimés dans des langages différents. Au XIXème siècle les scientifiques et bibliothécaires avaient établi par livre des fiches de description reprenant le titre, le contenu, l’auteur et sa référence. Les chercheurs disposaient ainsi d’une base de métadonnées qui permettaient de mieux naviguer dans l’océan du savoir.
    D’une façon plus générale, la construction d’une langue logique universelle qui permette la traduction de toutes les connaissances exprimées dans des idiomes particuliers constitue une préoccupation permanente dans l’histoire de la philosophie et de la science.
    Depuis la Caractéristique Universelle de Leibniz jusqu’à la Syntaxe Logique de Rudolf Carnap, en passant par L’écriture des Concepts de Gottlob Frege, logiciens et mathématiciens n’ont eu de cesse d’imaginer des langages formels qui servent de cadres de référence cognitifs, épistémologiques, aux innombrables formes d’expression des langues vernaculaires.
    Sans entrer dans des détails qui nous éloigneraient trop de notre propos premier, il convient simplement de souligner le souci de nombreux chercheurs et scientifiques qui souhaitent, depuis fort longtemps, disposer d’un langage universel de la connaissance, d’une métalangue formelle qui réduise les approximations et les confusions sémantiques dues à la polysémie des langues naturelles. Cette préoccupation se poursuit avec le projet de Pierre Lévy, et de certaines équipes de chercheurs : créer un métalangage, calculable et gérable par les ordinateurs, capable de décrire et de classer des concepts. IEML (Information Economy Meta Language) est un langage mathématique compréhensible par les machines qui en géreraient l’utilisation. Il faciliterait le partage et l’enrichissement collectif des connaissances et assurerait l’interface entre les savoirs et les langues maternelles. Il sera neutre pour l’utilisateur et nourrira son propre développement en fonction de leurs envies. Chacun pourra dans sa langue maternelle produire des métadonnées et les partager avec d’autres communautés scientifiques Avec cet outil mathématique le savoir se mouvra dans un espace géométrique, nouveau champ sémantique ou les métadonnées seront positionnées et ordonnées. L’intelligence collective coordonnera ces espaces et se servira des cartes géographiques du savoir pour naviguer.
    Bien évidemment, un tel métalangage heurtera des limites puisque certaines de ses métadonnées nécessiteront, dans telle ou telle configuration, explications et réévaluations : ce qui supposera un méta- métalangage. Même si l’on sait qu’il n’existe pas de « langage ultime », mais une hiérarchisation ou un emboîtement infini de métalangues – qu’elles soient formalisées et informatisées ne change rien à l’affaire – IEML contribuera de façon significative au développement de l’intelligence collective qui peut devenir un facteur essentiel d’évolution de l’humanité. En effet, les organisations et les entreprises par la maitrise de cette intelligence collective dynamiseront leur capacité d’innovation premier facteur endogène de croissance (confère blog du 2 janvier dernier) ainsi que leurs compétences collectives ; tous deux créateurs de valeur. Les Non Profit ou les ONG verront également leurs performances s’accroitre et leurs externalités sociétales mieux se diffuser. Plus généralement, tout individu aura la possibilité, avec l’accès immédiat aux savoirs construits collectivement, d être à la fois récipiendaire, utilisateur, et aussi créateur de richesses. Nous sommes fiers par nos activités de formation de participer, à notre échelle, à la prise de conscience de ce phénomène, mais aussi à sa construction, grâce à notre capacité à mettre en forme les savoirs pour les rendre utilisables, compréhensibles, et partageables.
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