Créativité et apprentissage organisationnel
Parmi les demandes fréquentes de formation apparaissent de plus en plus celles concernant la notion de créativité. Comment évaluer sa capacité de créatif et comment la développer ? Cette approche s’inscrit parallèlement aux démarches censées faciliter l’innovation. Cette dernière se réalise notamment au sein de communautés professionnelles, à travers des processus collectifs fondés sur l’échange et le partage de connaissances et de pratiques (cf blog du 3 octobre 2009). L’innovation se déploie à travers toutes les formes d’apprentissage organisationnel qui permettent de découvrir de nouveaux usages et de les développer. Elle est le résultat d’actions collectives au sein desquelles la créativité individuelle prend toute son importance et sa légitimité. La créativité a besoin de mots et de concepts pour trouver son expression. Elle ne peut se manifester que dans un cadre d’échanges permanents et de liberté d’action. Il importe de laisser libre cours à ses idées et son imagination (cf blog du 4 novembre sur les 12 principes du nouveau management). Cette approche de la créativité fondée sur des constatations pratiques vient de trouver une résonnance dans deux expériences scientifiques ayant pour objet notre fonctionnement neuronal. La première a été effectuée par Charles Limb, du NIH (National Institute of Health) et de l’université John Hopkins. Il a étudié l’activité cérébrale de pianistes de jazz lors d’une séquence d’enregistrement musicale. Leur activité cérébrale était enregistrée par IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) Quand ils ont commencé à jouer des airs qu’ils maîtrisaient, ils activaient la zone du cortex préfrontal dorsolatéral, qui correspond aux actions planifiées et au contrôle de soi. Dès qu’on leur a demandé d’improviser, c'est-à-dire d’être créatifs, ils ont désactivé cette partie du cerveau et se sont libérés de leurs fonctions de contrôle pour se désinhiber. Ils ont alors activé une zone du cortex préfrontal médian qui se situe juste derrière les yeux. Selon les chercheurs, c’est le lieu de l’expression de soi qu’un individu active quand il raconte une histoire qu’il improvise, ou quand il se met en scène. L’individu aurait donc besoin de se confronter à une communauté pour libérer sa créativité. La deuxième expérience a été réalisée à Harvard, toujours avec des musiciens. Il a été demandé cette fois à 12 pianistes de créer des rythmes nouveaux Le même résultat est apparu. On observe, entre autres, l’activation du gyrus frontal inférieur, qui est connu pour la gestion du langage. Les scientifiques font alors l’hypothèse que la créativité musicale utilise pour s’exprimer les mêmes neurones que ceux qui servent à construire des phrases.
William James se figurait la créativité comme « un chaudron bouillonnant d’idées, où tout s’agite dans une activité sidérante » Le chaudron s’apparente aux communautés de pratiques et de savoir où les échanges représentent ce bouillonnement et facilitent la « désinhibition » en faisant circuler les mots qui se reconstruisent dans de nouveaux langages ou usages. L’expérience scientifique rejoint certains constats de l’analyse sociologique. La créativité, comme l’innovation, se réalise ainsi pleinement dans un environnement de partage du savoir.