L'enjeu sociétal du chômage des jeunes

Mon Jun 08 2009 11:51:43 GMT+0200 (Romance Daylight Time), Jean Wemaëre

Le chômage des jeunes en France, mais aussi en Europe, demeure depuis la fin des Trente glorieuses un problème endémique aux conséquences sociales et économiques très lourdes. En France, le taux de demandeurs d’emplois des 18-24 ans se situait en 2008 à 18 %, contre une moyenne européenne de 15,5 %. Certes, il faut relativiser ces chiffres, car ne sont pas compris dans cette statistique les jeunes élèves ou étudiants qui composent plus de 60 % de cette tranche d’âge. En Grande-Bretagne, au premier trimestre 2009, le taux se situe à 16,1%, ce qui représente 670 000 jeunes qui cherchent du travail. En Espagne, où la crise frappe plus durement, le taux est monté à 35 %, soit 808 000 jeunes. En Suède, il approche les 25 %, ce qui est perçu comme très choquant dans ce pays, mais qui s’explique en partie parce que la Suède est l’un des rares pays de l’OCDE avec la Corée du Sud, le Japon et l’Espagne, à ne pas disposer de système de formation en alternance. Seule l’Allemagne, grâce à son système dual (la moitié du temps en formation, l’autre moitié en entreprise), peut prétendre au taux le plus bas d’Europe, avec 8,1 %. Les jeunes les plus touchés sont essentiellement les moins qualifiés. J’ai déjà expliqué dans ce blog que les diplômés de l’enseignement supérieur trouvaient plus rapidement du travail, bien qu’aujourd’hui le délai d’attente s’allonge. La difficulté réside chez tous ceux qui arrivent chaque année sur le marché du travail sans qualification. En France, 150 000 jeunes sortent du système éducatif sans qualification, auxquels s’ajoutent près de 100 000 étudiants qui abandonnent leurs études après une ou deux années de présence à la faculté. C’est dans les premiers moments de vie active que les difficultés commencent et que les responsabilités sociétales s’accroissent, car la longue durée de chômage en début d’existence professionnelle, outre les découragements ou débordements liés au désœuvrement qu’elle peut entraîner, contribue à la perte des connaissances scolaires. La société perd l’investissement éducatif qu’elle a financé pendant toute la durée de la scolarité. Et le jeune chômeur prend le risque d’alterner durant toute sa vie des périodes de sous-emploi ou d’emploi déclassé. Patrick Werquin, économiste à la direction de l’éducation de l’OCDE, dans un entretien publié par le journal Le Monde, explique très justement que « le manque de qualification est la source du problème » et que « le chômage des jeunes est un enjeu essentiel dans toute l’Europe, car le non-emploi fait perdre ses acquis : le capital humain se dégrade ». Les réponses au niveau européen tendent à converger et toutes associent des aides au maintien dans l’emploi ou à l’embauche, dans les secteurs marchands ou non marchands, avec de la formation professionnelle en alternance. En France, la réforme de la formation, dont le projet est en discussion à l’Assemblée Nationale, prévoit la création d’un Fonds Paritaire de Sécurisation des Parcours, destiné à former des salariés peu qualifiés - et les jeunes salariés sont nombreux à l’être ! Pour développer la qualification, elle définit un socle minimum de compétences de base (expression écrite et orale, calcul, compréhension et lecture) à travers un dispositif de formation. Le Président de la République a lancé une grande campagne pour développer les formations en alternance. Il a confié à Martin Hirsch une vaste consultation sur l’insertion des jeunes. Les travaux des différents groupes de travail doivent aboutir en juin, afin de favoriser rapidement l’emploi des jeunes. Dernièrement Yasid Sabeg, commissaire à la diversité et à l’égalité des chances, a suggéré, pour les entreprises de plus de 50 salariés, une double obligation : embaucher ou avoir au moins 5 % de leurs salariés en alternance, afin de faciliter l’insertion des jeunes issus de la diversité. Il recommande la même chose pour les administrations et les hôpitaux. Partout la mobilisation est générale : ce problème devient une priorité nationale et européenne. Il en va de la responsabilité sociale des Etats ; la société ne peut en effet laisser au bord de la route 10 % d’une classe d’âge ; économiquement, c’est se priver d’une partie importante de ses ressources humaines, qui restent le premier facteur de développement. En tant qu’opérateurs de formation, nous sommes conscients de cet enjeu depuis très longtemps et nous participerons activement à cette mobilisation générale.
L’opérationnalité de la diffusion du savoir n’est plus seulement économique, mais elle est aussi sociétale.

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