Les défis de l'Europe face à l'éducation et la formation
Dans mon blog du 19 avril 2007, j’évoquais les objectifs stratégiques fixés par l’Union Européenne à Lisbonne en 2000 : devenir en 2010 l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance durable, associée à une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et à une plus grande cohésion sociale.
Pour ce faire, les Etats s’étaient engagés à mobiliser tous les organismes d’éducation et de formation, publics et privés, initiaux et supérieurs en développant des politiques économiques, sociales, fiscales, financières ou budgétaires Cette stratégie volontariste laissait, de fait, une grande part d’inventivité aux Etats, en fonction de leur histoire éducative et de leur dialogue social . Ainsi, en Belgique, a été institué un chèque formation délivré par les collectivités locales au profit de leurs concitoyens.
Aux Pays Bas, grâce au Live Course Savings Scheme, les dépenses de formation sont déductibles du revenu imposable. Quant au Royaume-Uni, il a mis en place le LILA (Individual Learning Account), qui propose à tout individu de 19 ans d’ouvrir un compte formation en y déposant au moins 25 £.
Ce compte, abondé par l’Etat à hauteur de 150£, lui permet de financer ses dépenses de formation car, en plus, il donne droit à 20% de réduction. Deux millions de comptes ont ainsi été ouverts. Cette expérience s’est néanmoins arrêtée, en raison de malversations. Elle est en train d’être reprise sous l’impulsion de Gordon Brown qui, comme je le notais dans mon blog du 8 janvier 2007, prédisait que sur les six millions d’adultes britanniques diplômés, la moitié risquerait de se retrouver au chômage dans 10 ans s’ils ne continuaient pas à se former.
En Allemagne et en Autriche, des expériences de compte épargne individuel de formation se mettent également en place . Toutes ces initiatives ont été évoquées lors d’un forum au Sénat, en mars dernier, grâce aux Sénateurs Carle et Sellier et au professeur Jean-Marie Luttringer, dont les comptes-rendus viennent d’être publiés aux éditions Demos.
En France, l’ANI de 2004 a institué le DIF ouvrant le droit à chaque salarié de pouvoir bénéficier de 20 heures par an de formation, cumulables jusqu’à 120 heures. Ce droit a été ouvert cette année aux fonctionnaires. Il pourra, s’il devient à terme transférable pour le salarié dans le cas de changement d’entreprise, se transformer en compte individuel formation. C’est l’un des enjeux des discussions actuelles sur la réforme de la formation (cf blog du 17 avril 2008.). Il se trouve que toutes ces initiatives ne sont malheureusement pas encore suffisantes pour atteindre l’objectif ambitieux de Lisbonne. Le Livre blanc que vient de remettre le cabinet Bain & Company au Président de la commission parlementaire chargé des affaires européennes, M. Pierre Lequiller, s’apparente à un cri d’alarme. En effet, alors qu’en 2000 le PIB par habitant de l’Union Européenne se rapprochait de celui des EU, et que son taux de croissance était même supérieur en 2001 (1.7 en Europe contre 0.8 aux EU), il s’en éloigne à nouveau.
Les raisons d’un tel ralentissement sont à chercher, prioritairement, dans le niveau insuffisant des dépenses de recherche et d’éducation-formation. En matière de Recherche et Développement, le Traité de Lisbonne avait fixé comme objectif 3% du PIB, or l’objectif atteint n’est que de 1.8. Quant aux dépenses de formation et d’éducation, nous sommes à 6% du PIB, soit à un niveau inférieur par rapport aux Etats Unis et à la Corée qui y consacre, elle, 7.5% de son produit intérieur brut Le cabinet Bain & Company, pour comprendre la faiblesse des investissements dans des activités aussi essentielles, a interrogé les dirigeants des 1 000 plus grosses entreprises d’Europe. L’écart entre les ambitions de Lisbonne et les résultats s’explique, selon eux, par une difficulté de gouvernance due à la fois au manque de manœuvrabilité d’une Union à 27 et aux lourdeurs bureaucratiques. Phillippe Escaffre, un des rapporteurs du Livre blanc, explique qu’en « matière de concurrence ou de stratégie industrielle, les EU sont perçus comme plus pragmatiques ». Il appartient à l’Europe de se ressaisir; les axes de développement pour y parvenir qui reviennent le plus souvent dans les propos des dirigeants interrogés sont, selon Olivier Marchal, autre rapporteur, ceux de l’éducation et de l’innovation. Ils appellent à une mobilisation générale de tous les acteurs pour faire face au « Brain Drain » américain. On mesure là tout l’enjeu pour notre profession en termes d’innovation, de productivité, de qualité de recherche, de partenariats et de mesure de résultats. C’est aussi pour les Etats la nécessité de continuer à créer les conditions de mise en place du Life Long Learning.
Merci au cabinet Bain&Company d’avoir fait remonter ces explications. Le challenge est lourd de conséquences pour une Europe atteinte par la crise économique. C’est assurément une page de son avenir qu’elle va jouer sur ce défi.