La formation comme arme pour innover
Le dernier rapport de l’Observatoire des Sciences et Techniques (OST) rend compte de l’extraordinaire avancée de la Chine en matière de Recherche et Développement, et de formation. Entre 2000 et 2005, ce pays a multiplié par deux ses dépenses en R&D, faisant passer de 6,2% à 11.8 sa part dans les montants affectés à cette activité au niveau mondial, alors que, pendant cette période, les Etats-Unis et l’Europe ont régressé. Avec 101 milliards de dollars consacrés à ce secteur en 2005, la Chine devient la troisième puissance mondiale, talonnant le Japon à 113 milliards.
Certes, les Etats-Unis, avec leurs 280 milliards, sont encore loin devant, mais l’Europe, qui a cette même année mobilisé en la matière 199 milliards de dollars, pourrait être rapidement rattrapée, sachant que le nombre de chercheurs en Chine s’élève à 1.1 million contre 1.3 en Europe. Cette dynamique chinoise est largement entretenue par un effort soutenu dans la formation supérieure.
J’ai déjà eu l’occasion dans ce blog d’évoquer les 400 000 élèves ingénieurs qui construiront et dessineront la Chine de demain, en les comparant aux 15 000 élèves en France. Dans les autres domaines, l’écart est aussi significatif. La Chine est le pays au monde qui forme aujourd’hui le plus grand nombre d’étudiants. Sur 140 millions recensés dans le monde, 23.4 se trouvent en Chine, contre 17.3 aux Etats-Unis. Or, les étudiants d’aujourd’hui ont la double mission de mettre en œuvre les découvertes fondamentales et technologiques qui orienteront l’économie de demain, et de générer et d’occuper les emplois propres à la faire fonctionner et à la développer.
L’étude suivante en porte témoignage. L’enquête REFLEX (Research into Employment and Professional Flexibility) réalisée en 2005 dans quinze pays européens auprès de 40 000 diplômés des Universités ou Grandes Ecoles, cinq ans après la fin de leurs études, montre clairement que ces diplômés n’ont pas connu de période de chômage depuis leur sortie et qu’ils occupent des fonctions à responsabilité ou expertise forte. Certains pays européens ont cru que l’augmentation du nombre de diplômés de l’enseignement supérieur entrainerait un décalage croissant entre le niveau des diplômes et celui de l’emploi occupé à la sortie des études.
Or cet écart, selon l’enquête, est faiblement perçu par la plupart de ces jeunes qui semblent tous exercer des fonctions de direction ou d’encadrement, d’études ou de recherche, laissant place à une grande initiative. Ils affirment que les connaissances et compétences acquises en formation supérieure leur sont utiles, et mettent en avant trois points forts liés à leurs études.
Il s’agit, sans considération hiérarchique, de :
la maîtrise de leurs expertises, progressivement acquise lors des années d’apprentissage ; l’esprit d’analyse, conçu comme une capacité à appréhender et à décomposer un sujet ou un problème; la capacité à acquérir de nouvelles connaissances, soutenue par un esprit de curiosité et un goût pour la découverte toujours vivaces.
Pour continuer à progresser, ils attendent des formations au management et au leadership. Cela nous renvoie à certaines considérations du blog du 25 novembre dernier, dans lequel je faisais référence à une autre étude européenne qui établissait un lien entre la performance des entreprises et l’expression d’un niveau de maturité représenté par une sérieuse prise en compte des programmes de formation au management.
Ces constats et ces exemples peuvent contribuer à expliquer la résilience de la Chine dans la crise économique que nous traversons. En effet, elle s’est donné les possibilités, par les investissements énormes consentis à la recherche et à la formation supérieure, de maintenir une croissance soutenue et d’assumer une relative indépendance technologique, afin de faire évoluer ses processus industriels. Elle est ainsi en mesure de satisfaire son gigantesque marché intérieur qui devrait à terme, si la crise se prolonge, combler la baisse de ses exportations.
Plus généralement la production de savoirs fondamentaux et leur transformation en savoir opérationnel rendu accessible par la formation demeure la meilleure arme pour innover dans les secteurs nouveaux porteurs de développement durable et de nouvelle croissance.