La guerre des talents à travers deux indicateurs mondiaux

Mon Jan 20 2014 12:04:23 GMT+0100 (Romance Standard Time), Jean Wemaëre

Depuis l’étude de Mac Kinsey de 2012 qui révèla une très probable pénurie de talents dans les vingt prochaines années , cette question est devenue un enjeu prioritaire pour les Etats comme pour les entreprises. Rien qu’en France d’ici 5 ans, deux millions d’emplois, notamment dans les domaines de l’économie numérique mais aussi de l’ingénierie et de l’aéronautique, ne pourraient être pourvus, alors que deux millions de personnes, dont près de 50% de jeunes, seront au chômage pour insuffisance de qualification.

La guerre des talents est ouverte et pour en mesurer les résultats, deux institutions ont mis en place des indicateurs de mesure des compétences par pays. Ce sont l’INSEAD et le cabinet britannique de recrutement HAYS

L’INSEAD en collaboration avec le Human Capital Leadership Institute de Singapour et le groupe Adecco a lancé un indice global de compétitivité des talents appelé GTCI (Global Talents Competitiveness Index). Il concerne 103 pays et s’appuie sur 48 critères : sa première constatation est le lien très fort entre croissance du PIB et bonne gestion des talents. Celle-ci repose sur une bonne analyse des besoins en compétences tant au niveau macro que micro et sur une réponse adaptée en formation. Ce tandem analyse/réponse est source d’innovation et créateur de richesses. Un professeur de l’INSEAD précise : « Ce sont les pays qui font le plus d’efforts pour attirer et retenir les talents qui sont les plus performants en matière d’innovation. »(cf mon blog sur formation et innovation). La Suisse est arrivée en tête du classement et, pour Bruno Lanvin directeur exécutif à l’INSEAD : « c’est l’un des pays au monde qui a le mieux établi les pratiques liées à l’apprentissage ». Dans les dix premiers : Singapour qui a une passion pour attirer et former les talents , puis les pays de l’Europe du nord y compris le Royaume Uni et en neuvième position les USA. La France ne se situe qu’à la 20ème place et cela confirme son classement PIAAC 2012 sur les compétences en calcul et en compréhension de l’écrit.

Pour HAYS qui publie sa deuxième édition l’approche est moins globale, plus centrée sur l’évaluation des déséquilibres qui se manifestent entre compétences disponibles et celles qui sont recherchées par les entreprises. Le cabinet de recrutement britannique a construit un indicateur l’« Index mondial des compétences » en partenariat avec Oxford Economics et étudié le marché de l’emploi dans 27 pays développé et émergents. Les résultats y sont à peu près les mêmes : la Suisse arrive en tête et les pays de l’Europe du nord ensuite avec une mention particulière pour la Pologne qui selon HAYS : « affiche le plus haut taux de croissance européen des dernières années et qui a bénéficié d’un solide et rigoureux système d’apprentissage ».

Malheureusement ces deux institutions font le même constat et rejoignent en ce sens Mac Kinsey : « une inadéquation grandissante entre les besoins des entreprise en termes de compétences et ceux que les marchés locaux ont à fournir ». Il va manquer des ingénieurs, des spécialistes du numériques (IT, Cloud, Data …), des biologistes, des personnels de santé, sans compter les techniciens dans tous les domaines et surtout dans le BTP.

Pour HAYS la réponse doit être triple : - une vision claire et précise des compétences recherchées ceci au niveau de l’entreprise, de la branche et de l’état. - l’acquisition de ces compétences par la formation soutenue, si nécessaire, par la mise en place d’avantages fiscaux du type crédit d’impôt formation pour motiver davantage les entreprises - l’adoption rapide par les employeurs de plans stratégiques pour gérer en cohérence la pénurie tout en mettant en place la formation nécessaire.

Avec la signature de l’ANI sur la formation en décembre dernier, la France se prépare à relever ce défi de la recherche des compétences de demain. Avec la mise en place de l’entretien d’évaluation des compétences et la formalisation d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, les entreprises et les branches vont enfin avoir une vision claire de leurs besoins et de leur demande de compétences futures.

Avec le changement de paradigme sur la formation qui n’est plus une charge mais un investissement pour l’entreprise et le salarié et la création du CPF qui responsabilise et motive le collaborateur dans la recherche du maintien de son employabilité et des compétences afférentes, l’entreprise devrait pouvoir affronter la guerre des talents avec de meilleures chances de réussite.

Il nous reste à nous, organismes de formation, à assurer la réponse formation la plus adéquate et la mieux construite, intégrant l’ensemble des outils et pratiques à notre disposition (nouvelles technologies, apprentissage collaboratif, sciences cognitives, simulation, pédagogie ludique, évaluation formative ….) et surtout des outils d’évaluation pour adapter au mieux les cursus individuels, notamment la VAE, et en mesurer le résultat et la qualité.

Beau défi pour la guerre des talents !

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