Blended learning : la qualité vient de l'émulsion.

Wed Dec 15 2010 13:17:33 GMT+0100 (Romance Standard Time), Jean Wemaëre

Dans le domaine de la formation, l’évolution des dispositifs pédagogiques est depuis plusieurs années marquée par la multiplicité des approches dites de blended learning. Comme je le notais dans mon billet du 4 mai 2009, à la suite du résultat d’une enquête réalisée pour le compte de Demos sur le sujet de l’utilisation du e-learning dans les entreprises du cac 40 et du sbf 120, « ce dispositif (…) est relativement récent, puisque 44% des entreprises interrogées déclarent qu’elles ne l’utilisent que depuis moins de deux ans ». Le blended learning se définit comme une combinaison de formation en présentiel (face-à-face) et à distance, mais encore faut-il savoir comment obtenir le mix optimal entre ces éléments. La prolifération des approches suggère qu’une part d’incertitude entoure la valeur réelle des réponses apportées jusqu’ici à cette question. Il s’agit donc de prendre du recul et de mieux examiner ce qui se passe aujourd’hui sur le terrain du blended. Dans le cadre de la réflexion permanente en cours chez Demos sur notre expérience en tant que concepteurs de la transmission du savoir opérationnel, Denis Reymond nous propose de partir de l’opposition entre deux approches existantes : le blended juxtaposé, et le blended émulsifié. Dans un prochain billet, il analysera les implications de cette opposition sur la posture du formateur. * La détermination de la forme blended optimale relève du domaine de l’ingénierie pédagogique, dont le rôle est avant tout d’identifier, puis d’agencer les facteurs clés d’une expérience de formation réussie pour nos clients. Ce travail d’analyse est en permanence stimulé et relancé par les résultats de nos projets réalisés, ainsi qu’au travers du partage de bonnes pratiques entre nos formateurs. Il permet d’apporter des réponses empiriques à des questions fondamentales, et ainsi de contribuer à améliorer et enrichir notre pratique en tant que concepteurs d’expériences de formation. Le cas suivant, issu de deux projets réalisés, rend possible un comparatif entre deux formations identiques sur le contenu et sur le public, mais présentant des différences de performance significatives. Le sujet des deux formations était l’entretien annuel d’évaluation : · La première formation était destinée à un grand groupe international, pour lequel nous ne sommes intervenus que dans la partie présentielle, la partie e-learning ayant été réalisée par un concurrent. · La seconde formation concernait une filiale du groupe qui nous avait adressé la demande de développer un module e-learning spécifiquement adapté à ses besoins. Pour les deux formations, il était prévu que la formation en e-learning précèderait la formation en présentiel. Un troisième temps d’affinage était ensuite possible en retournant au module e-learning. Le séquençage des phases de la formation était ainsi fondé sur le principe d’un aller-retour entre le niveau de la représentation et celui de la mise à l’épreuve : · Étape 1 : e-learning. Représentations de connaissances génériques et de formes spécifiques à l’entreprise (représentation). Cette 1ère représentation associe ce qui unit : le commun, « ce que je connais déjà », et ce qui distingue : le particulier, « ce que je ne connais pas ». · Étape 2 : présentiel. Intégration en situation des connaissances et formes (épreuve). Retravailler de manière intégratrice des concepts de la 1ère représentation. Mettre à l’épreuve, confronter à la situation. · Étape 3 : e-learning. Compréhension affinée de l’ensemble (re-représentation). Les deux opérations furent lancées par une forte action de communication. En scrutant le taux d’utilisation du module e-learning, il s’avéra cependant que seuls 66% des participants aux formations en avaient au moins pris connaissance. Ce taux allait par la suite descendre encore plus bas, posant un problème redoutable pour le succès des formations en présentiel. C’est ici que l’on peut contraster avec profit la situation des deux formations. Dans le cas du groupe, la décision fut prise par les formateurs de condenser en un jour l’ensemble de la formation. Le résultat de cette solution a été jugé insatisfaisant à plus d’un titre : d’une part, le format était devenu épuisant et indigeste pour les participants, et d’autre part, on faisait regretter leur choix à ceux qui avaient pris le temps d’utiliser le module e-learning. L’échec du e-learning a donc été complet dans ce cas de blended learning juxtaposé. Dans le cas de la filiale, la situation fut très différente. En effet, les formateurs avaient ici passé cinq jours à élaborer le contenu du module e-learning, et n’entendaient pas traiter à nouveau ces questions en présentiel. Ils ont donc expliqué aux participants qu’ils pourraient en savoir plus sur les points évoqués en allant consulter le module e-learning. Cette attitude conduisait en outre à valoriser les participants qui avaient déjà effectué la partie e-learning, et étaient donc en mesure d’établir des relations entre les éléments du présentiel et les éléments vus ailleurs. L’expérience de formation constituait ici celle d’un authentique blended learning émulsifié. Dans le cas de la filiale, le taux d’utilisation du module e-learning est rapidement monté à 80%. De plus, l’utilisation de ce module était récurrente et suggérait qu’il était devenu en peu de temps un cadre de référence pour tous les employés de la filiale. Le blended learning peut ainsi être comparé à l’art de la réalisation d’une sauce en cuisine ou d’un appareil à pâtisserie : les bonnes conditions doivent être réunies pour qu’un tel dispositif cognitif « prenne » à l’intérieur d’une organisation. Dans un prochain billet, j’aborderai le rôle crucial joué par la posture des formateurs dans la réussite des expériences de formation en blended.

Suivez nous

Derniers articles
Sans la formation les emplois vont disparaître
Thu Nov 15 2018 11:57:34 GMT+0100 (Romance Standard Time)
Faire face à la révolution des compétences
Tue Sep 11 2018 16:53:36 GMT+0200 (Romance Daylight Time)
De l’importance de rendre les Soft Skills éligibles au CPF
Wed May 02 2018 10:12:32 GMT+0200 (Romance Daylight Time)
Quand la formation s’invite à Davos !
Tue Feb 13 2018 16:48:43 GMT+0100 (Romance Standard Time)
Bravo à l’Oréal qui investit à fond dans la formation de ses collaborateurs.
Thu Dec 21 2017 14:28:55 GMT+0100 (Romance Standard Time)
Campus Entreprises pour former les jeunes aux métiers de l'industrie du futur
Mon Oct 23 2017 10:57:19 GMT+0200 (Romance Daylight Time)
L’alliance nécessaire entre capital financier et capital humain
Mon Sep 04 2017 15:03:07 GMT+0200 (Romance Daylight Time)
La formation : un secteur en pleine transformation !
Thu Jun 08 2017 16:47:28 GMT+0200 (Romance Daylight Time)
Urgence : Les compétences des actifs français dans la Chaîne de Valeur Mondiale
Tue May 23 2017 11:19:37 GMT+0200 (Romance Daylight Time)
Tags