Mémoire vive et savoir opérationnel
Le savoir est conservé dans les archives, les livres, les bibliothèques, les fichiers numériques.
Il est aussi enfermé, dans les tableaux, monuments anciens, objets courants du passé qui rappellent les pratiques et métiers parfois disparus, ou encore inexpliqués, comme l’énigme de la construction des pyramides d’Egypte. Ces supports directs ou indirects du savoir constituent la mémoire exosomatique de l’humanité ; son développement devient vertigineux en raison de la numérisation toujours croissante des dits supports (1020 octets).
Le savoir ne devient connaissance que si l’homme l’interprète et lui donne un sens. Il acquiert un caractère opérationnel par son utilisation comme outil de création de richesses ou de valeur. Pour le rendre utilisable il faut le rendre accessible et le confronter, pour l’enrichir, à la mémoire vive des individus qui l’utilisent.
C’est cette mémoire vive, personnelle, des informations immédiates, et du souvenir des usages passés et actualisés, qui, partagée au sein d’une même communauté professionnelle, assure l’innovation.
D’ou le sens de ce vieux proverbe africain : « un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brule ».
Le travail de connaissance, au sein d’une entreprise, ne consiste pas principalement à stocker des savoirs anciens mais plutôt à faciliter les échanges d’informations et à solliciter, en temps réel, des réactions par rapport aux événements, au regard des histoires et sensibilités propres des différents acteurs.
C’est le sens des propos de Carlos Diaz, président de Bluewiki, repris par le Nouvel Economiste du 21 avril 2010 : « On s’est rendu compte que la connaissance se trouve plus au rayon frais qu’au rayon des produits surgelés. L’important n’est pas forcément de ressortir des archives du passé ou de faire sur ce que l’on savait avant mais plutôt de mettre en connexion les gens entre eux, en fonction de leurs besoins immédiats, avec la possibilité d’utiliser de la connaissance mise à jour en temps réel »
La connaissance, indissociable de la sensibilité, se développe dans tous les cerveaux et c’est elle qu’il faut solliciter et partager. Les nouveaux outils de travail collaboratif permettent, de plus en plus, cette sollicitation et ce partage.
Dès lors, les connaissances individuelles participent régulièrement d’une intelligence collective productrice de richesse et de valeur.
D’ailleurs la collaboration doit dépasser le cadre strict de l’entreprise et s’étendre a toutes les parties prenantes fournisseurs, clients et réseaux sociaux. A ce sujet on peut remarquer que les anciens collaborateurs des entreprises sont de plus en plus sollicités.
Dominique Turcq, président de Boostzone Institute, en apporte le témoignage dans le même numéro du Nouvel Economiste « Favoriser les réseaux d’anciens est à l’ordre du jour. Cela ne se faisait pas partie de la mentalité française, il y a encore seulement 4 ou 5 ans, tant au niveau des retraités que pour ceux qui sont allés travailler ailleurs. Prenez Carterpillar, le groupe laisse entrer dans ses réseaux internes des anciens de l’entreprise qui peuvent continuer à apporter leur expertise même après leur départ en retraite. Il y a des projets similaires chez Areva ou Alstom. »
Mais la construction avec toutes les parties prenantes de cette intelligence collective ne va pas sans une résistance des acteurs à tous les niveaux de la hiérarchie des organisations.
Alors, c’est assurément notre rôle que d’aider les entreprises à faciliter son émergence, notamment en intégrant des outils de travail collaboratifs dans les dispositifs de formation que nous mettons en place.
Le savoir opérationnel devient alors une ressource vivante.