Art et formation

Mon May 10 2010 16:39:33 GMT+0200 (Romance Daylight Time), Jean Wemaëre

L’apprentissage organisationnel s’organise autour de communautés de savoirs et de pratiques qui, en échangeant leurs informations et leurs savoir-faire, enrichissent leurs connaissances et donnent souvent naissance à de nouveaux usages. Parfois, au sein de ces communautés, un facilitateur, appelé quelquefois formateur, peut guider les échanges grâce à des apports méthodologiques et rendre le travail engagé plus fécond, en distillant régulièrement un flux de contenus pédagogiques organisé.
De toute façon, un tel travail requiert une ouverture d’esprit car il s’agit de mettre à l’épreuve ses convictions, voire ses croyances, en les confrontant à celles d’autrui ; ce qui, de fait, a pour conséquence de les relativiser et de les réévaluer à l’aune de nouvelles perspectives.
Cette confrontation au travail et à la pensée d’autrui prend une forme à la fois originale et hardie dans l’initiative prise aujourd’hui par Sophie Gonzales ingénieure de formation. En effet celle-ci a décidé de faire se rencontrer deux mondes qui habituellement s’ignorent : celui des entreprises et celui de l’art moderne.

En créant la société Artstorming elle a rassemblé des artistes et spécialistes de l’art contemporain pour les confronter avec des équipes d’entreprise. Les rencontres sont fortes et riches, une vrai pédagogie du choc au sens de Michel Crozier.
Sophie Gonzales légitime sa démarche en expliquant qu’ « elle ne connait pas de meilleur exercice d’ouverture d’esprit que l’initiation à l’art contemporain ».
« Le rapprochement de ces deux univers que je connaissais particulièrement bien s’est imposé comme une évidence : l’art sous toutes ses formes peut être un formidable levier au sein d’une entreprise, permettant non seulement d’animer au sens noble mais aussi de trouver un supplément d’âme » poursuit-elle.

Si, au premier abord, l’art offre une combinaison de vision et d’énergie créatrice nécessaire aux succès des entreprises, il faut, pour bien comprendre les vertus des débats entre artistes et acteurs de l’entreprise, distinguer ce qui unit et sépare les habitants de ces deux mondes.

L’activité artistique fournit à l’entreprise des exemples majeurs, notamment sur les quelques points suivants :

  • un grand sens de l’observation
  • une capacité d’intégration de données et d’éléments très divers
  • un développement fort des analogies
  • un pouvoir de projection quasi constant
  • une audace dans les propositions de formes, de matières, de dispositifs…
  • une faculté de concentration extrême dans l’exercice du métier
  • une volonté de montrer, voire de transmettre
    Ces caractéristiques, et d’autres, constituent des sujets de réflexion et de débat pour toute communauté de savoir et de pratique. En ce sens la confrontation avec l’art contemporain favorise innovation et créativité au sein de l’entreprise.
    Mais la créativité n’est pas la création ; la première suppose l’existence de processus objectivables manifestant, dès l’origine, une indéniable socialisation, la seconde échappe aux règles et opérations répétables et transmissibles.
    Aussi l’activité artistique présente, à certains égards, des différences notables avec le monde de l’entreprise ; différences qu’il est possible d’évoquer sommairement.

Tout d’abord l’acte artistique ne présuppose pas nécessairement la présence de l’autre, la réception d’un public, l’échange avec des individus ; il peut, au contraire, apparaître comme un dialogue acharné entre l’artiste et lui-même, loin de toute considération extérieure.
Ensuite, la création artistique échappe, peu ou prou, à son créateur et il lui est fort difficile d’expliquer les tenants et aboutissants de son activité.

Enfin, l’exigence esthétique par sa novation et sa radicalité, conduit parfois l’artiste à une rupture avec son environnement, à un isolement volontaire tant l’écart entre l’exigence initiale et la reconnaissance par autrui paraît grand.
Malgré ces différences il convient de saluer l’initiative de Sophie Gonzales car elle oblige les participants à faire preuve de discernement, au cours des rencontres proposées, tout comme les membres d’une communauté professionnelle lorsqu’ils sont confrontés à des productions nombreuses et variées dont ils doivent évaluer l’utilité et la fécondité.

Bel exercice de transmission de savoir opérationnel que ces confrontations ! Ils sont organisés sous forme d’ateliers débats, de visites commentées suivi de séminaires de réflexion.. Beaucoup d’entreprises, comme la Société Générale, Axa, le BCG, se sont déjà prêtées au jeu. Cela « permet d’ouvrir de nouveaux champs de réflexion autour de l’innovation et de la création artistique, de délier les talents, de développer les approches innovantes pour résoudre des problématiques spécifiques et initier le changement » résume Sophie Gonzales.
Le savoir opérationnel est assurément protéiforme et procéder par analogie en se servant de la création artistique pour faire jaillir de l innovation au sein d’organisations, souvent bureaucratisées, constitue une démarche de formation à la fois originale et profonde.

Dans le même ordre d’idée, pour corroborer cette démarche, les Editions Demos ont publié: Art et Management, du fantasme à la réalité. L’auteur Hélène Mugnier analyse les points communs de ces deux domaines de l’activité humaine et examine toutes les synergies possibles ; elle l’explique dans sa préface : « Ce n’est donc plus seulement à l’art comme alternative fantasmée que les managers s’intéressent.

C’est plutôt comme un vrai levier potentiel de renouvellement de leurs pratiques. Avec un impératif considérablement accru et différent de ceux des générations précédentes : l’innovation accélérée pour maintenir compétitivité et survie de ses activités. Or l’innovation est précisément le dénominateur commun le plus évident de l’artiste et de ce nouveau manager des temps modernes. Le tropisme est donc en marche croissante, nous y échapperons de moins en moins ».

La voie est ouverte pour utiliser la création artistique comme outil et exemple d’apprentissage. C’est d’ailleurs pour illustrer cette réalité que chaque année la couverture de notre catalogue est laissée à l’imagination d’un artiste contemporain.

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