L’Europe de la Formation

Au moment où l’Europe va pour la première fois se doter d’une constitution, le champ de la Formation Professionnelle commence aussi à s’organiser.
Parallèlement aux programmes de type Erasmus, qui permettent aux étudiants de gérer leur parcours universitaire dans plusieurs pays, facilitant ainsi leur mobilité et instituant l’harmonisation des cursus par le système LMD, la mobilité des salariés se développe grâce à la mise en place de référentiels européens de compétences métiers. A ce sujet, il faut rappeler que la formation tout au long de la vie est une priorité européenne consacrée en 2000 à Lisbonne. Ainsi le programme Leonardo da Vinci vise-t-il à financer des projets innovants et fondateurs pour affirmer cette priorité. Mais compte tenu des nombreux acteurs (branches professionnelles, chambres de commerce ou de métiers, partenaires sociaux, entreprises, régions, Etats), de la variété des dispositifs et des cultures d’apprentissage, le processus d’harmonisation tarde à se réaliser. C’est pourquoi il faut saluer l’initiative de l’agence 2E2F (Europe Education – Formation France) qui a lancé le premier Forum Français des projets d’ingénierie de la formation en Europe, développés et financés dans le cadre du programme Leonardo. Dans ce cadre étaient activés les dispositifs mis en place par le processus de Copenhague en 2002. Ils visent à améliorer l’accès à la formation professionnelle, notamment par la création de l’ECVET (European Credit for Vocational Education and Training). Il s’agit également d’harmoniser les certifications professionnelles européennes afin de faciliter leur lisibilité et de permettre une mobilité plus grande des diplômés à l’intérieur de l’Union. Ce premier forum présentait des exemples concrets d’harmonisation sur les thèmes suivants :

1. Construire des référentiels de compétences et de certification de profils professionnels communs à plusieurs pays. Par exemple, pour le secteur de la plasturgie, un BTS Europlastic a été élaboré par la France (Fédération de la Plasturgie), l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Grèce, la Pologne et l’Espagne. Dans les Transports et la Logistique a été organisé un parcours professionnel commun de formation appelé Euro Trans Log. D’autres initiatives ont été présentées sur le commerce international et la gestion dans les PME-PMI avec l’Agefos PME Ile-de-France. 2. Accompagner les personnes en situation de transition en sécurisant les parcours professionnels et en validant les expériences. Cela a été réalisé pour les métiers de l’aide à domicile, avec une validation des acquis à partir de l’outil Compétences +, développé conjointement par dix opérateurs venant de Belgique, d’Italie et de France. La même démarche a été réalisée pour les métiers du spectacle en Italie, Autriche et Hollande avec l’outil Portolano (portfolio de compétences), et ceux du travail intérimaire avec le projet Tec Tonic en France, en Roumanie et en Italie. 3. Professionnaliser les formateurs. Pour les métiers du bâtiment vient d’être adopté un référentiel du tuteur par la Belgique, l’Espagne, l’Italie, la Pologne, l’Allemagne, la Suède et la France. Janus, un kit d’outils pédagogiques pour évaluer et préparer le formateur à son public a été développé par la France, la Pologne, la Belgique et la Grèce. Des processus communs ont été finalisés pour sensibiliser les PME à leur responsabilité sociale et à l’égalité des chances à travers des dispositifs de formation à distance coordonnés par l’Agefos PME Ile-de-France, associant les Italiens, les Belges, les Espagnols et les Portugais. 4. Relever le défi de la formation aux compétences clés. Le projet Golden Goal +, construit par l’Allemagne, la Pologne, la France, l’Autriche, les Pays-Bas et le Portugal, permet aux formateurs d’intégrer le sport dans les techniques d’apprentissage des savoirs de base (communication, expression, comportement). 5. Assurer la qualité dans le champ de la formation (évaluation et création d’indicateurs). Plusieurs projets ont été développés tels que Peer Review (évaluation externe par ses pairs), impliquant la Tchéquie, la Finlande, l’Espagne, le Royaume-Uni, le Portugal, le Danemark et l’Autriche, et les projets DROA et AQOR concernant l’évaluation des systèmes et pratiques de l’orientation tout au long de la vie avec la France, l’Espagne, l’Italie et la Pologne. Tous ces points que sont l’établissement de référentiels communs à un métier, la validation des compétences, l’amélioration du professionnalisme des formateurs, la recherche des compétences clés et transversales, et la mesure de la qualité des prestations ont fait à la fois l’objet d’une réflexion européenne partagée par plusieurs pays et, le plus souvent, d’une instrumentation. Toutes ces préoccupations, souvent abordées dans mes blogs, sont constitutives de l’organisation de notre métier dans un cadre européen. La formation professionnelle tout au long de la vie est en marche en Europe ; elle va accompagner le développement des entreprises et la mobilité des personnes, qui pourront ainsi se former dans un pays et travailler dans un autre. Les compétences des métiers et leur validation seront homogénéisées. La diffusion du savoir opérationnel, ainsi que ses modes d’apprentissage, ses règles, sa fantastique force d’innovation créatrice de richesse collective et sa puissance d’épanouissement personnel, dépassent les frontières nationales pour suivre le développement économique du grand marché européen. Cela n’est rendu possible que grâce à la collaboration de tous les acteurs impliqués dans la formation et ce forum leur rend hommage. Les propos d’Hélène Clark, directrice des « politiques en faveur de l’apprentissage tout au long de la vie » à la Direction Générale Education et Culture de la Commission européenne, témoignent de la volonté politique européenne de mener à bien ces chantiers, mais aussi déjà de faire valoir toutes les réalisations. En concluant ce premier forum, elle a fait l’éloge des « compétences transversales et des formations généralistes permettant de mieux rebondir dans une période de mutation des métiers et des savoirs, telle que celle que nous traversons ». Ainsi le champ du savoir opérationnel contribue-t-il dorénavant à structurer l’Europe de demain.