Lutter contre l'illettrisme
L’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme (ANLCI) révèle dans sa dernière enquête « Information et vie quotidienne » que plus de 3,1 millions de personnes en France sont en situation d’illettrisme. Près de 12% de la population active est ainsi concernée. Ne pensons pas que ce phénomène touche uniquement les jeunes et les sans emplois, puisque 57% disposent d’un travail et 53% ont plus de 45 ans. Ces chiffres sont terribles ; ils montrent nos carences en matière d’éducation et de formation, mais recouvrent aussi, malheureusement, de profondes détresses personnelles. Une enquête de la CCIP (Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris) auprès de 1500 entreprises souligne la méconnaissance du sujet de la part des employeurs : 92% d’entre eux affirment ne pas employer d’illettrés, car ils ignorent le phénomène. En effet, les salariés manifestent leur détresse en cachant leur illettrisme et en mettant en place des stratégies de contournement. Ils demandent à leurs collègues de les aider à lire ou à comprendre un document ou une consigne de sécurité. Ils sollicitent leurs enfants pour rédiger un courrier. Dans un souci d’aide mutuelle, l’organisation du travail se reconfigure pour masquer l’illettrisme ; ce qui rend encore plus difficile son diagnostic et son traitement. Cela fragilise les entreprises en les mettant en risque et en les rendant moins compétitives. Ainsi, le non respect des règles de sécurité par incompréhension peut être à l’origine d’accidents graves aux conséquences économiques et sociales lourdes, comme l’a montré l’explosion d’AZF. Depuis sa création en 2001, l’ANLCI s’est donné comme mission d’identifier et d’analyser les formes d’illettrisme et, en liaison avec les opérateurs de formation, de les réduire. Mais, pour cela, il fallait d’abord définir précisément l’illettrisme et ne pas le confondre avec l’analphabétisme et le mauvais usage de notre langue par un étranger.
L’illettrisme, selon la directrice de l’ANLCI, Madame Marie-Thérèse Geoffroy, est « la situation de personnes qui ont été scolarisées en France, mais ne maîtrisent pas les compétences de base - lecture, écriture, calcul- permettant d’être autonome dans la vie quotidienne ». Cette définition a été reprise dans l’ANI de 2004 et amplifiée dans le projet de loi sur la réforme de la formation, qui vient d’être déposée sur le bureau de l’Assemblée. On parle maintenant d’un socle de base de connaissances que chaque personne est en droit de posséder. Cela devient, dans la nouvelle loi, une priorité nationale. Beau et grand challenge pour nous et qui donne à la formation la responsabilité de réduire cette nouvelle fracture sociale qu’est l’illettrisme.